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Un tribunal sous le feu du soupçon


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GERICHT: Strasbourg

Un tribunal sous le feu du soupçon

Expropriation : d´ après leur dernier jugement , les juges de Strasbourg se voient reprochés d´avoir rendu « une justice politique »

La CEDH a-t´elle succombé à la pression politique? Comment la Cour Constitutionnelle de la RFA a contribué à cette impression. De Klaus Peter Krause

Le reproche d´avoir rendu un jugement politique s´adresse aujourd´hui aussi à la CEDH de Strasbourg. Ce reproche concerne la décision rendue le 30 mars 2005. Avec cette décision, le tribunal a rejeté la plainte des personnes victimes de poursuite politique dans la zone d´occupation soviétique (1945-1949) en la décrétant « irrecevable » ( Le Journal « Junge Freiheit » des 1 et 8 avril ). De ce fait , ces personnes n´ont pas récupéré - non plus par Strasbourg - ce qu´elles demandent depuis 1990 de l´Etat allemand réunifié : la restitution de leurs propriétés volées il y a 60 ans ou tout au moins l´équivalence de la perte au cas où ces propriétés auraient été vendues par l´Etat à des tierces personnes. De tribunal en tribunal jusqu´à la Cour Constitutionnelle de la RFA, cette revendication a été toujours et partout rejetée, en partie sur base d´arguments spécieux ou tout simplement sans justification.
Ainsi cette Cour Constitutionnelle s´est-elle attiré le reproche de rendre une justice politisée.

Aujourd´hui, on adresse ce même reproche à la CEDH du fait de la pression publique qui a été exercée de façon incontestable par la Cour Constitutionnelle de la RFA sur les juges de Strasbourg. Cela est devenu évident lors de la décision de la Cour Constitutionnelle du 14 octobre 2004. Dans cette prise de position détaillée pour le moins étonnante, le 2ième Sénat de la Cour précise dans quelle mesure les organes étatiques en Allemagne doivent être liés par les jugements de la CEDH ( 2 BvR 1481/04) et les respecter.
Mais la déclaration de presse du tribunal à ce sujet ne fut volontairement pas claire, son interprétation ambiguë, et les commentaires qui ont été tenus dans beaucoup de medias propagèrent l´impression que la Cour Constitutionnelle avait décidé que les tribunaux allemands n´étaient pas obligés de s´en tenir aux jugements de la CEDH mais seulement en tenir compte comme il se doit et « les adapter avec ménagement - en souplesse - au cadre du droit national ».

Plus loin, on lisait dans ce communiqué de presse , que les autorités et les tribunaux pouvaient aussi, au cas où ils étaient d´une autre opinion, s´éloigner des prescriptions des juges de Strasbourg. Une exécution non nuancée des jugements est fausse. Elle pourrait heurter le droit fondamental et le principe de l´état de droit. La Convention des Droits de l´Homme est subordonnée à la Constitution et ne sert en fin de compte «qu´à aider à interpréter les prescriptions du contenu et le rayon d´action des droits fondamentaux» . Bien sûr la Constitution a pour but l´intégration de l ´Allemagne dans la communauté des états pacifiques respectueux des droits et respectueux de la liberté mais l´Allemagne «ne se refuse pas », comme cela fut textuellement exprimé dans la déclaration, de garder sa souveraineté selon et jusqu´au dernier mot de sa Constitution.

Pour illustration, , la Cour Constitutionnelle avait cité et commenté la décision du 11 octobre 1985 (2 BvR 336/85 ) de la Chambre dans laquelle cependant aucune nouvelle norme , aucun nouveau système n´est proposé. Ce rappel illustratif était curieux et probablement censé attirer l´attention sur les prémices et interférences (interdépendances) du cadre d´un cas « similaire »: mais, en fait , ce cas « exhumé » était plutôt insignifiant et hors de l´actualité. Alors pourquoi lui donner une telle résonance et justement à cette occasion ? Particulièrement à l´instant où la CEDH avait à juger trois plaintes portées contre l´état de la RFA dont deux encore en 2005. Et chacune à cause de l´application du droit justifiant l´ expropriation survivant en Allemagne. L´arrêt du 14 octobre 2004 pris par la Cour Suprême de Karlsruhe eu pour but d´adresser un coup de semonce à la CEDH dans l´intention de les freiner, de leur asséner une remontrance, de les influencer, de limiter leurs compétences, de les inciter (et encore plus) à plus de retenue dans leurs jugements. D´où la ferme impression que le soupçon de vouloir influencer les juges de Strasbourg n´est pas tombé du ciel. Et l´interprétation initialement « énorme » et à peine justifiable s ´est confirmée dans le public jusqu´à devenir une réalité.

La discussion qui en suivit dans les médias et les déclarations des Présidents des Tribunaux Georg Wildhaber (CEDH ) et Hans-Jürgen Papier (Cour Constit. RFA) ne firent qu´accentuer le malaise et échauffer les esprits. En février, Papier avait prié la CEDH de prendre en compte de manière plus sérieuse la Justice allemande et, de ce fait, encore versé de l´huile sur le feu. Et Papier de préciser que la C. Constit. de la RFA a pour rôle de purement et simplement surveiller les jugements des instances inférieures quant à la juste observation des droits fondamentaux et abandonne aux tribunaux l´interprétation proprement dite des lois .

« Rien d´autre ne doit différencier le partage des compétences entre la CEDH et les tribunaux allemands » a t´il encore déclaré. Rien que la charge énorme de travail des juges de Strasbourg doit les inciter à ne s´en tenir qu´aux décisions de principes.

Papier faisait allusion aux décisions controversées de la CEDH relatives à la protection des personnes « publiques » vis à vis des photos de presse dans l´affaire Caroline de Hanovre ou à la protection du Droit des Familles. Il fut reproché aux juges de Strasbourg de s´immiscer un peu trop dans les affaires de droit allemand. Aussitôt le dialogue entre Karlsruhe et Strasbourg s´envenima jusqu´à devenir une lutte de pouvoir , à savoir qui devait suivre qui et qui aurait le dernier mot.

Quoiqu´il en soit, la CEDH s´est-elle vraiment laissée influencer et impressionner par cette joute dans sa décision du 30 mars 2005 , la question est posée. Cependant « la mise (l´éveil de la suspicion) en suspicion » ne pourrait presque pas être plus grande. Car le jugement est tombé, plus étonnant que, de manière générale, attendu. Et d´autant plus surprenant quand on sait que la Cour a déclaré les plaintes non pas simplement « non-fondées » mais « irrecevables ». De cette manière elle a reconnu ces plaintes « manifestement pas non-fondées ».Ce n´est que dans très peu de cas qu´elle a coutume d´agir ainsi. De plus deux séances orales avaient déjà eu lieu, la première le 29 janvier 2004 à la Petite Chambre et la deuxième le 22 septembre de la même année à la Grande Chambre. Lors d´aucune de ces deux séances le doute quant à la recevabilité ne fut évoqué.

De même les victimes avaient pu puiser espoir dans le fait que le gouvernement fédéral avait concédé devant la CEDH qu´une interdiction totale de restitution des biens volés au temps de la zone d´occupation soviétique n´existait pas - légende qu´il avait quinze années durant entretenue,( aveu avec lequel il reconnaissait pour légende ce qu´il prétendait depuis 15 ans.) De même l´expertise des services compétents du Parlement à ce sujet , qui ressemblait fort à un démenti à l´encontre des assertions de l´état allemand, était positivement significative pour les plaignants. Et le défenseur du gouvernement n´avait-il pas assuré clairement la Cour encore en janvier que le gouvernement s´engageait bien évidemment à respecter le jugement émis par la Cour, comme il l´avait toujours fait?
Comment cette assurance aurait-elle pu (dû ) être autrement comprise que comme une assurance pour les juges de Strasbourg de pouvoir juger librement : en d´autres mots, ils ne devaient pas se sentir soumis à une pression politique de la part de l´Allemagne quelle qu´elle soit.

La surprise fut d´autant plus grande..........

Adaptation française de Y. Rousseau - 16 mai 2005

L´auteur: Dr. Klaus Peter Krause fut rédacteur responsable pendant plusieurs dizaines d´années du secteur des enquêtes économiques pour le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.