Résumé d'une plainte portée devant la Cour des Droits de l'Homme à Strasboug par Maître C. Wildgans
Exposé des Faits
14.
Lors de la mise en route de la Réforme agraire dans ce qui allait devenir la République Démocratique Allemande, le père du plaignant (ci-après dénommé Pl.) a acquis le 30 décembre 1945 des terrains à destination agricole d´une surface totale de 7,5 ha comme propriété personnelle transmissible par héritage. Le titre de propriété correspondant lui fut remis le 30 décembre 1945 par le département ( Kreis ) de Wismar. Herr Meier fut inscrit le 17 juin 1946 dans le cadastre comme propriétaire. Le prix d´achat annoncé le 17 février 1946 avait été payé par Herr Meier.
Dans les années 1968 /1969 et 1974, chaque propriétaire fut contraint de renoncer à une partie des terrains agricoles relevant de l´administration économique de la Réforme agraire. Ces terrains devaient être consacrés à la construction de maisons ou, comme en 74, être rendus disponibles pour la construction de nouvelles installations. Cette opération fut menée sans indemnisation. Le prix d´achat ne fut pas réadapté.
Le sieur Meier mourut le 25 octobre 1988 et sa succession en faveur du Pl. fut établie formellement et de manière irréfutable - documents à
l´appui - par le notaire assermenté de Wismar le 28 - 08 - 1990.
Bien que tous les indices d´abus de pouvoir concernant des déclarations de renonciation aient été prouvés, la RFA se refuse de prendre en application de la loi relative au règlement des questions encore ouvertes des biens restituables les mesures de restitution concrètes prévues.
Selon le pays ayant pratiqué la Réforme agraire, l´héritier d´un propriétaire issu de la Réforme agraire n´aurait pas la qualité de successeur juridique du propriétaire décédé :
l´héritier, en raison de la superposition du droit civil de succession et des prescriptions des règlements relatifs au changement d´occupant ( Besitzwechselverordnungen ) ne peut être reconnu tel que par le transfert de la propriété par l´état.
L´héritier auquel n´a pas été transférée la propriété générée par la Réforme agraire n´aurait par conséquent pas droit à restitution si le propriétaire précédent ( dans ce cas l´acquisiteur) a été exproprié.
Pour cette raison fut également refusée une indemnisation de la perte de la propriété.
La demande du Pl. de lui restituer sa propriété adressée aux autorités compétentes pour le règlement des questions des biens à restituer est restée sans succès , instance après instance, jusqu´à la Cour Suprême
d´Administration de la RFA ( Décision du 21 octobre 2004 ). Les justifications avancées ne répondent que de manière incomplète à
l´affaire en cause, quand elles ne sont pas complètement en dehors de la question. Les particularités du cas du Pl. ne sont pas du tout prises en compte, les prescriptions légales existantes ne sont pas appliquées correctement. Les instances consultées ne se sont pas référées à la jurisprudence existante, fussent-elles celles de la Cour Suprême de la RFA. La décision de la Cour Suprême Administrative datée du 21 décembre 2004 ne répond pas à l´argumentation de la défense, même pas aux infractions citées et effectives au droit fondamental selon la Constitution de la RFA, et se limite aux indications de sa propre jurisprudence .
La position juridique en RFA n´a jamais exclu la restitution des terrains résultants de la Réforme agraire qui furent, au temps de la RDA, sans aucune indemnisation, transférés au domaine de la propriété du peuple ( Volkseigentum ). Bien plus, la Déclaration Commune des deux états allemands du 15 juin 1990 prévoyait clairement la restitution de tous les biens tant que ladite restitution n´était pas ouvertement et sans équivoque exclue.
En conséquence , la Cour Suprême Administrative a alors restitué par le jugement du 28 juin 1996 - cas unique - une propriété générée par la Réforme agraire. Elle a confirmé qu´il s´agissait non seulement d´une propriété restituable mais aussi de circonstances (manigances véreuses, abus de pouvoir de l´état) tombant sous la loi du patrimoine. De ce fait,
l´espérance légitime du Pl. de récupérer le bien hérité de son père fut donc confirmée.
Dans les années suivantes, cette espérance légitime fut cependant constamment rejetée par la jurisprudence car, après le jugement précité, non seulement il n´était plus question de déposer une demande de restitution mais, à chaque fois et de manière formelle, il était avancé comme facteur prohibitif l´absence de la qualité d´ héritier légal, et cela jusqu´ à la décision de la Cour Suprême Administrative du 21 octobre 2004.
De plus et surtout les conséquences économiques et sociales des confiscations des biens continuent à développer leurs effets. Aucune justification n´est donnée. Des raisons éventuelles du refus de restitution qui pourraient être avancées à l´encontre de la restitution de propriété sont à toute fin utile citées et solutionnées dans les §§ 4 et 5 de la loi visant le règlement des questions patrimoniales encore ouvertes : ils proposent en compensation une indemnisation.
Le fait que même ce procédé d´indemnisation soit refusé au Pl. montre une discrimination parmi des groupes similaires de personnes se trouvant dans les mêmes conditions juridiques.
Le nécessaire équilibre des intérêts entre le propriétaire exproprié et le peuple en général n´est pas respecté tant que la confiscation de la propriété n´est pas traitée de la même manière.
Il n´existe aucune autre possibilité juridique de règlement correct pour cette revendication.
Le Pl. est dès lors obligé d´exiger qu´un examen réel des faits selon les prescriptions de la loi relative au règlement des questions patrimoniales ouvertes soit mené et considère le refus de cet examen comme contraire à la Convention.
15.
-1. Infraction à l´Art. 6 EMKR
L´Art. 6 est de rigueur car il s´agit d´une décision prise dans le cadre
d´une revendication de droit civil présentée par le Pl..
Il est sans importance qu'une telle décision soit le fait d´une autorité administrative ou bien de tribunaux administratifs.
Le droit à l'audition légale et judiciaire n'est pas respecté : en effet l'exigence qui en découle d'avoir une justification suffisante de la décision n' a pas été remplie.
La mesure du devoir de justification dépend en fin de compte du déroulement réel du procès et du système juridique et, par là, des particularités du cas en cause.
Par principe, dans le système juridique de la RFA, chaque décision administrative ou/et judiciaire doit être justifiée, argumentée. Une justification purement formelle sans rapport suffisant et réel avec les faits et sans référence aux prescriptions existantes n'est pas une justification valable.
C'est exactement la situation du Pl. qui se voit ainsi lésé dans ses droits.
Systématiquement, les administrations et tribunaux rejettent d'office la demande de restitution du PL. en s'appuyant sur des considérations constitutionnelles relatives à la propriété « issue » de la Réforme agraire (pas question de valeur du bien, pas question de droit à l' héritage - droit patrimonial ), et lui refuse donc ainsi toute audition judiciaire.
Voilà précisément ce qui s'est encore passé le 21 décembre 2004 à la Cour Suprême Administrative de la République qui, dans sa décision en dernière instance, s'en est reportée exclusivement à son actuelle propre jurisprudence. A aucun moment, les arguments présentés par la défense n'ont été relevés et pris en considération, fut-ce de manière superficielle.
-2. Infraction à l'Article 1 du protocole complémentaire du 20 mars 1952
L' Art. 1 de ce protocole assure la protection du patrimoine tout autant que le droit à la restitution d'un bien s'il existe une attente légitime de cette restitution.
Le Pl. pouvait, après l'entrée de l'ancienne République Démocratique Allemande au sein de la RFA, après la mise en application de la loi de Modrow du 6 mars 1990, après la Déclaration Commune du 15 juin 1990 tout comme après la mise en application de la loi patrimoniale du 23 septembre 1990, avoir la légitime espérance que la propriété de son père lui serait retransmise ou qu' il recevrait pour le moins une indemnisation ou que le montant de la vente lui serait remis.
Cette espérance fut confirmée par le jugement de la Cour Suprême Administrative de la RFA du 28 juin 1996 .
De ce fait, cette exigence ne peut devenir nulle que par la loi - et seulement par la loi - si l'intérêt publique l'exige et lorsque les conditions générales fondamentales prévues dans le droit international sont observées .
Le retrait de cette espérance légitime n'est pas conforme au droit étant donné qu'il lui manque une base juridique. La déclaration commune des deux états allemands contient l'affirmation claire et sans ambiguïté que tous les biens confisqués sont à rendre pour autant qu'un bien précis n'est pas exclu par cette Déclaration. Ce qui n'est pas le cas du Pl..
Les éventuelles raisons d'exception de restitution sont citées de manière exhaustive dans la loi patrimoniale.
Dans ces conditions, un refus catégorique de toute restitution est aussi en contradiction avec la loi patrimoniale qui vise l'établissement d'un juste équilibre social entre les différentes parties concernées par les biens.
En conséquence, en vue d'un traitement équitable pour tous les propriétaires terriens « issus » de la Réforme Agraire et de leurs héritiers, les propriétaires et leurs héritiers relevant de la loi de Modrow - particulièrement ceux-là -ne peuvent être traités autrement que ceux qui ont été déjà avant expropriés.
L´effet de circonstances dues au hasard crée une différence de traitement objectivement non-conforme à la loi pour des cas similaires .
Avec l'entrée en application de la loi Modrow le 16 mars 1990, les propriétaires du fait de la Réforme Agraire (et leurs héritiers) sont assimilés à des propriétaires « spéciaux ».
C' est pourquoi le traitement discriminatoire s´est aussi étendu à la procédure différente - objectivement non-conforme à la loi - subie par le Pl. quant au règlement de son héritage.
L´atteinte aux droits du Pl. n´est pas négligeable : en cas
d´expropriation, les mesures prévues visent entre autre le rétablissement de l´équilibre des intérêts entre le propriétaire exproprié et les autres citoyens en général.
Cet équilibre des intérêts - l´égalité - n´est pas respecté ; de ce fait, le Pl. a une charge individuelle excessive à porter. L´indiscutable réparation par indemnisation n´a pas non plus été remplie, fut-ce partiellement.
IV . EXPOSE RELATIF AUX PRESCRIPTIONS DE L`ARTICLE 35 § 1 DE LA CONVENTION
16. Décision interne définitive (date et nature de la décision, organe - judiciaire ou autre -
l´ayant rendue
21.10.2004 :
Décision de la Cour Suprême Administrative, Az. :
B VerwG 7 B 116.04
Rejet de la décision de Non-admissibilité de la plainte ,
présentée le 16.11.2004
17. Autres décisions (énumérées dans l´ordre chronologique en indiquant, pour chaque
décision, sa date, sa nature et l´organe - judiciaire ou autre - l´ayant rendue )
18.02.1997 :
information de l´administration chargée du règlement des
questions patrimoniales pendantes de la ville de Wismar,
Az. : 31.01.423 II, : refus de la demande de restitution des
terrainsconfisqués datant de la Réforme agraire
19.04.1999 :
information d´opposition de l´administration chargée des questions patrimoniales pendantes du pays (Land ) Mecklembourg-Vorpommern, Az. : W II 4/509/97/06-Renvoi de l´opposition
15.04.2004 :
jugement de la Cour Administrative de Schwerin,
Az. : 3 A 1403/99 rejet de la plainte, irrecevabilité de la révision
18. Disposez-vous d´un recours que vous n´avez pas exercé ? Si oui, lequel et pour quel motif n´a-t-il pas été exercé ?
Le dépôt d´une plainte constitutionnelle devant la Cour Constitutionnelle de la RFA aurait été possible ; cette démarche juridique n´était cependant pas porteuse d´espoir. Cela est dû au fait que la Cour Constitutionnelle Administrative a pris, déjà depuis 1994, une position juridique affirmée que la Cour Constitutionnelle de la RFA n´a en aucun cas jugée comme contraire à la Constitution ni à la Convention.
A ce point que la seule fois où une plainte constitutionnelle a été déposée, celle-ci ne fut pas traitée et resta sans décision (décision de la Cour Constitutionnelle de la RFA du 14.03.1995, Az. : 1 BvR 277/95).Les décisions de renvoi (refus) ne nécessitent aucune justification et ne sont pas contestables ( § 93 d Abs 1 Sätze 2, 3 BverfGG).
V. EXPOSE DE L´OBJET DE LA REQUÊTE
19. Avec le recours auprès du Tribunal, tous les héritiers des propriétaires du fait de la Réforme agraire doivent être traités de la même manière ; la discrimination doit disparaître entre les héritiers de tous les propriétaires « spéciaux » sur le plan de l´application des prescriptions relatives à la restitution de la RFA après la réalisation de l´unification allemande. Il s´agit donc en priorité de la loi réglant les questions encore ouvertes sur les biens = la loi sur le règlement des questions patrimoniales pendantes ( VermG).
Pour les héritiers d´avant l´application de la loi de Modrow le 16 mars 1990, héritiers qui à ce moment là n´étaient plus en possession des terrains générés par la Réforme agraire, la mise en vigueur effective des prescriptions de la loi relative au règlement des questions patrimoniales pendantes doit être poursuivie pour les pertes des biens dues à la Réforme agraire. L´exigence se situe, en premier lieu, dans la restitution des terrains de la Réforme agraire confisqués, pour autant qu´il n´existe pas de raisons d´exclusion selon les prescriptions de la loi patrimoniale, en deuxième lieu, dans la détermination du droit de la personne lésée et, sur cette base, dans l´octroi d´une indemnisation évaluée selon la loi des indemnisations et des réparations.
VI. AUTRES INSTANCES INTERNATIONALES TRAITANT OU AYANT TRAITE L´AFFAIRE.
20. Avez-vous soumis à une autre instance internationale d´enquête ou de règlement les griefs énoncés dans la présente requête ? Si oui, fournir des indications détaillées à ce sujet
Aucune autre instance n´a été et n´est approchée à ce sujet.
Fichier attaché | Taille |
---|---|
Plaidoy. RA Wildgans -YR -5 juin 2005 y.pdf | 53.12 Ko |